[Livre] Critique – Le Dévouement du suspect X de Higashino Keigo : il n’y a qu’une solution à votre problème, et c’est…

En août dernier, j’avais parlé du film japonais Yogisha X no Kenshin réalisé par Hiroshi Nishitani, et je l’avais rapidement présenté comme étant l’adaptation cinématographique du roman du même nom de Higashino KeigoLe Dévouement du suspect X. Et c’est étrange à avouer, mais si je suis une bonne connaisseuse des mangas, des dramas ou encore de la cuisine japonaise depuis des années… Je ne connais pas vraiment la littérature japonaise. Voire, pas du tout. Et je n’avais pas réellement éprouvé le besoin de la découvrir. Au bout du compte, j’ai donc décidé de m’y lancer (enfin !), et de commencer par le genre de roman que j’aime le plus : le roman policier. Sans spoilers.

Le Dévouement du suspect X

Titre : Le Dévouement du suspect X
Titre original : Yogisha X no Kenshin
Auteur : Higashino Keigo
Éditeur : Actes Sud
Prix : 8,50 €
Nombre de pages : 320
Date de parution :
Novembre 2012
ISBN :
978-2-330-01314-1
Fiche éditeur : ici
Fiche Babelio : ici

Petit résumé :

Professeur de mathématiques, Ishigami est amoureux de sa voisine, une mère divorcée. Mais son ex-mari a retrouvé sa trace, il la harcèle, et elle en vient à le tuer pour protéger sa fille. Ishigami, qui a tout entendu, voit là l’occasion de se rapprocher d’elle et lui propose son aide pour maquiller le crime.
Un corps est retrouvé au bord du fleuve. L’inspecteur Kusanagi, chargé de l’enquête, établit rapidement un lien avec la voisine d’Ishigami. Kusanagi consulte souvent son ami Yukawa, un brillant physicien aux impressionnantes facultés de déduction logique. Or Yukawa a côtoyé Ishigami à l’université. Il se souvient de sa remarquable intelligence, de ses intuitions fulgurantes, de sa personnalité énigmatique. Et aussi de la fameuse aporie mathématique qui les captivait tous deux : est-il plus difficile de chercher la solution d’un problème que de la vérifier ? Guidé par un sinistre pressentiment, le physicien engage avec le mathématicien une joute fascinante pour la vérité.

[Source : Actes Sud]

Citation :

- [...] A propos, j’ai une idée pour un nouveau problème de mathématiques. Tu pourrais y penser si tu as le temps?
– De quoi s’agit-il?
– Qu’est-ce qui est le plus difficile : élaborer un problème que personne ne peut résoudre, ou résoudre ce problème ? En supposant que la réponse existe nécessairement. Tu ne trouves pas l’idée intéressante ?

Il est très rare que je commence par voir l’adaptation d’un roman avant de le lire. En l’occurrence, j’avais donc commencé l’œuvre d’Higashino Keigo par le drama japonais de 2007 nommé Galileo, dont le personnage Manabu Yakawa était interprété par le célèbre chanteur-compositeur Fukuyama Masaharu. Honnêtement, j’ai trouvé le drama très moyen. Mais si j’ai poursuivie la franchise jusqu’aux films, c’est parce que j’aime beaucoup comment la physique peut se mêler aux crimes et leur donner une apparence presque surnaturelle.

Dans Le Dévouement du suspect X, ce n’est pourtant pas du tout le cas. Ici, il n’est pas question de physique. Ou presque. Il s’agit plus exactement de mathématiques. De logique. Et d’une logique impitoyable, méthodique et cruelle. Pourtant, en apparence (et tout sera question d’apparences), ce roman possède l’intrigue la plus transparente et la plus limpide qu’il soit. En effet, nous savons qui est le meurtrier, qui est la victime et comment elle a été tuée dès le départ. Ne reste alors que la façon dont le meurtrier va essayer de cacher le corps… Et heureusement pour la vendeuse de bentôs Yasuko Hanaoka et sa fille qui ont tué l’ex-mari venu les harceler, leur voisin Ishigami est prêt à les aider. Génie et professeur de mathématiques, il va mettre à leur service son intelligence et leur monter un alibi imparable.

Je n’ai donc pas pu m’empêcher de comparer le film et le roman. Le premier m’avait donc beaucoup plu, et si son adaptation était fidèle, il ne me restait donc plus qu’à m’intéresser à l’écriture japonaise. Ou alors, d’espérer que le roman puisse me surprendre. En fait, j’attendais donc du roman ce que j’aurais attendu d’un film dans le chemin inverse d’une adaptation. Et honnêtement, le contrat est rempli. J’ai été étonnamment surprise de ressentir plus de suspense, plus de frustration à comprendre la démarche d’Ishigami, alors que j’avais déjà vu le film auparavant pourtant (et que je savais déjà tout, donc XD). Dans le film, tout m’était apparu limpidement très rapidement. Mais le roman réussit à faire piétiner le lecteur autant que la police le fait. On s’attache notamment plus à leur recherche, leur vérification des alibis de Hanaoka et de sa fille, leurs filatures, leurs éliminations des suspects… Tout ceci étant ponctué par les coups de fil qu’échangent Ishigami avec sa voisine, et bien sûr, les rencontres entre Ishigami et Yukawa… Il est intéressant de vivre ces dernières du point de vue d’Ishigami, d’ailleurs. Les intentions du physicien à son égard sont ainsi plus troubles. On se surprend même à souhaiter que la vérité ne soit jamais découverte, en partageant la nervosité d’Ishigami de cette manière. Le duel entre ces deux génies est autant, sinon plus passionnant que le bras de fer entre Ishigami avec la police.

Mais comme pour nuancer tout ceci, on insiste également beaucoup plus sur la cruauté d’Ishigami dans le roman, et en même temps, parce que cela va de pair, sur sa détermination.Il faut donc quand même savoir que si le film réussit à bien retranscrire le dévouement d’Ishigami envers sa voisine… Il en a enlevé une bonne partie, à mon avis. Ici, Ishigami est allé beaucoup plus loin dans le sacrifice que dans le film. En effet, la façon il résout lui-même le problème qu’il avait posé l’implique bien plus (si c’était encore possible). Je parle notamment de la façon dont il réussit à se faire percevoir face à la police, pour mieux innocenter Hanaoka. Ce n’en est que plus impressionnant, mais aussi très effrayant.

Enfin, un petit point sur le personnage de l’inspecteur Kusanagi, accompagné d’un jeune collègue qui croit totalement en l’innocence de Hanaoka. Il est donc particulièrement savoureux de voir Kusanagi tempérer les rapides conclusions du jeune Kishitani, et se montrer plus prudent et réfléchi. J’ai beaucoup aimé sa dispute avec Yukawa (invisible dans le film, au passage). Elle est très intéressante, dans la mesure où Kusanagi est un policier, intègre et tenace de plus. A l’inverse, Yukawa tient aussi beaucoup à la vérité… Mais il aime faire les choses à sa manière sans forcément en parler à tout le monde (la police, la première), et il est aussi un ami et admirateur d’Ishigami. Alors qu’il est aussi ami avec Kusanagi. La tension entre chacun des « amis » est ainsi très douloureuse dans ce roman, mettant en lumière de très belles relations.

Le roman est d’ailleurs desservi par une écriture qui m’a plu, douce et resserrée. Les dialogues sont humbles, et ceci, pour mieux dissimuler leur double-sens. Il suffit de voir Yukawa et Ishigami parler de problèmes et de solutions… Étonnamment, alors que je reprochais au film sa durée trop longue (et qui aurait donc gagné à être plus court), le roman se lit d’une traite dans un rythme efficace. Pas forcément soutenu, mais efficace. Il ne laisse pas de place à l’ennui ni à des dialogues trop ennuyeux. Au contraire, il faut prêter attention à tout… Car chaque parole est un indice menant à la fin de ce roman.

Je terminerais sur un petit mot concernant l’édition impeccable des éditions Actes Sud. Non mais, vous voyez tout de suite que le livre est un bel objet avec eux. C’est noir et rouge/rose selon les éditions (comme mon blog, héhé), l’illustration est magnifique, glauque et intriguante à la fois et ma foi… Ça donne envie d’ouvrir le bouquin et de bien le ranger dans sa bibliothèque pour ensuite le reprendre dans ses mains !

Bilan : un bon, voire un très bon roman policier. En tout cas, ça m’a donnée plus qu’envie de lire d’autres romans policiers de Higashino Keigo, et je le conseille vraiment à tous ceux amateurs du genre ou qui voudraient le découvrir.

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